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d’être « trop retenu pour un jeune poëte », d’être, selon l’expression de Mathurin Regnier, « un poëte trop sage ». Malherbe n’avait pour lui qu’une considération quelque peu dédaigneuse, « De toute cette volée, raconte Tallemant des Réaux, il n’estimoit que Bertaut, encore ne l’estimoit-il guères ; car, disoit-il, il pleure toujours : Ses stances sont nichil-au-dos, et pour trouver une pointe il fait les trois premiers vers insupportables. » — Ce mystérieux nichil, ou nihil-au-dos fait allusion à certains pourpoints que l’on portait alors, dont le devant était de velours, tandis que le dos n’était que d’étoffe commune. — Au résumé le reproche est le même, et il est fondé, et caractérise assez exactement la manière de Bertaut : sur une trame trop grise, au gré de Ronsard, scintillent soudain des broderies d’or, dont l’éclat offusquait Malherbe, encore qu’il ne l’avoue pas expressément. Prenons patience, cependant ! On se chargera plus tard de le dire pour lui. Car un Malherbe crée un Boileau, et n’est-ce pas ce mauvais compliment que Boileau entend faire à Bertaut lorsqu’il le félicite d’être plus retenu ? Plus retenu que Ronsard, mais pas encore assez retenu !