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pensée, il ne la revoit pas aux heures heureuses, en drap d’or habillée et couronnée de joyaux. Non. Le poëte est atteint d’un pressentiment qui ne sait pas d’embellie entre la douleur passée et la douleur future, et son angoisse est forte au point de ne pas même admettre les joies qui précédèrent. Elle est en deuil déjà, enveloppée d’un crespe long, subtil et délié.

De tel habit vous estiez accoustrée
Partant, hélas ! de la belle contrée
Dont aviez eu le sceptre dans la main.
Lorsque pensive, et baignant vostre sein
Du beau crystal de vos larmes roulées.
Triste marchiez par les longues allées
Du grand jardin de ce royal château
Qui prend son nom de la beauté d’une eau.

Mais qu’elle reste belle en ce funèbre apparat !

Lors les rochers, bien qu’ils n’eussent point d’ame,
Voyans marcher une si belle dame,
Et les déserts, les sablons et l’estang
Où vit maint cygne habillé tout de blanc,
Et des hauts pins la cyme de verd peinte,
Vous coutemploient comme une chose sainte.
Et pensoient voir (pour ne rien voir de tel)
Une Deesse en habit d’un mortel
Se promener, quand l’aube retournée
Par les jardins poussoit la matinée,
Et vers le soir, quand déjà le Soleil
A chef baissé s’en-alloit au sommeil.