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depuis trente ans, et nous arions encore été bien heureux. — Oui, certainement, s'écria la femme, les plus heureux des êtres[1]. » je ne doute pas plus de la vérité du fait que de l'exactitude du récit ; Dieu ne veut pas que ce bonheur suprême, qui résiste et survit aux imperfections de la nature comme aux épreuves de la destinée humaine, soit inconnu des hommes ; mais il est, à coup sûr, le plus rare don qu'ils puissent obtenir de la faveur divine, et ce don n'échoit qu'à ceux qui, en le méritant par leurs vertus, savent le défendre contre leurs propres faiblesses.

M. et Mme de Mornay ont eu cet admirable privilège. Ils se sont connus jeunes encore et pourtant déjà familiers avec l'expérience et le fardeau de la vie ; ils se sont aimés et unis à la fois par pencahtnet par choix, avec réflexion et avec abandon ; ils ont éprouvé ensemble, dans l'État et dans l'Église, sous les yeux du public et dans le secret de foyer domestique, les fortunes les plus diverses, les plus nobles satisfactions et les plus cruels déchirements de l'âme ; après avoir longtemps et glorieusement lutté pour

  1. Œuvres de Mme de Staël ; — De l'influence des passions, t. III, p. 123.