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nement pas le conseil de Mme de Staël ; l'inquiétude n'est pas compatible avec l'élan du premier bonheur ; mais, parmi les spectateurs qui y assistent qui ne s'en inquiéterait pour eux ? Qui ne connaît les vicissitudes et les amertumes de la vie, et les altérations plus ou moins profondes qu'elles apportent si souvent dans les relations les plus intimes ? L'imperfection des choses humaines, mêmes des meilleures, finit presque toujours par se révéler, et après de longues années, le bonheur, même quand il reste réel, a presque toujours des lacunes et de petites tristesses que les heureux prennent soin de cacher. Aux paroles que je viens de citer, Mme de Staël ajoute cette anecdote : « J'ai vu, dit-elle, pendant mon séjour en Angleterre, un homme du plus rare mérite uni depuis vingt-cinq ans à une femme digne de lui ; un jour, en nous promenant ensemble, nous rencontrâmes ce qu'on appelle en Angleterre des Cipsies, des bohémiens errant au milieu des bois, dans la situation la plus déplorable ; je les plaignais de réunir ainsi tous les maux physiques de la nature : « Eh bien, me dit M. L****, si, pour passer ma vie avec elle (me montrant sa femme), il avait fallu me résigner à cet état, j'aurais mendié