Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 2.pdf/173

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui le menoit à Rotterdam, nomméement par le dit seigneur prince et tous les comtes de la maison de Nassau ; chose non paravant veüe à l’endroit d’aucun autre de sa qualité ; et fut escrit de plusieurs gentilzhommes de l’armée, mesme de religion contraire, que le deuil en estoit aussy grand parmy tous que s’ilz eussent perdu bonne partie de l’armée. En nostre court, ceste perte fut receüe d’un chacun avec tristesse, du Roy sur tous, tant la vertu a de force, qui prononcea, en lisant ceste nouvelle à luy escritte avec honneur par M. le prince Maurice : « J’ay perdu la plus belle espérance de gentilhomme de mon royaume ; j’en plains le père ; il faut que je l’envoyé consoler ; autre père que luy ne pouvoit faire une telle perte ; » et à l’instant dépescha le sr Bruneau, l’un de ses secrétaires, avec lettres fort gratieuses pour nous en consoler ; avec charge néantmoins de ne se présenter qu’il ne fust assuré que nous le sceussions jà d’ailleurs, ne voulant estre le premier de quy nous apprissions une sy triste nouvelle. Et de là en avant, plusieurs des plus grandz de la court, d’une et d’autre religion, seigneurs et dames, qui sentoient ou connoissoient nostre mal, nous envoyèrent ou escrivirent à mesme fin ; mais particulièrement les Eglizes réformées, tant voisines que lointaines, nous en tesmoignèrent un vif ressentiment ; mesme quelques estrangerz, et à l’heure encor que j’escrips, près de cinq mois après son décez, selon la distance des lieux, nous continuent tous les jours ces offices.

Ce fut la cause pour laquelle noz amys, qui la nous eussent voulu celer, se résolurent plus tost à la