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avec l’Hespagnol, ceux de la Religion l’épargneroient moins que les catholiques ; que sy ces juges luy estoient refusez, ilz croiroient tous qu’on voudroit opprimer son innocence, dont arriveroit que de sa cause particulière on en feroit une cause publique ; que sy les affaires de son Estat portoient de couvrir plus tost que d’approfondir cest affaire, ce qui estoit à S. M. de juger, non à luy de deviner, on pourroit négotier que M. de Bouillon requerroit M. le mareschal d’Ornano, gouverneur de Guienne, serviteur très fidelle de S. M., de s’entrevoir pour s’esclarcir avec luy sur tous ces bruitz ; à quoy S. M. consentiroit, qui seroit un doux moïen à S. M. de recevoir contentement sur cest affaire duquel, en l’estat de ce Royaume, les conséquences ne pouvoient estre petites. Cest advis porté à S. M. ne fut ny mal pris ny suivy, et a esté reconnu depuis qu’on eust voulu en avoir usé ; mais la violence l’emporta, et les conseils, comme les fruitz, ne sont ordinairement bons qu’en leur saison.

A la fin de l’an 1602[1], monsieur de Savoie exécuta une entreprise sur Genève, directement contre les traictez, de laquelle Dieu les garantit, à sa grand’ honte et dommage. Cette rupture fit croire que la guerre s’en ensuivroit, qui fut cause qu’aussy tost nostre filz eust grand désir de les aller servir, et que nous nous résolusmes de l’y envoyer avec offre de leur mener un régiment de deux mil hommes de pied françois, s’il en avoit besoin. Il y fut très bien

  1. Le duc de Savoie avait failli prendre Genève par surprise.