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nostre conservation et salut. Ainsi donq, il reprit son chemin vers Aix, là où il prit un guide pour passer le païs du Luxembourg, qui le perdit le premier matin es grantz maretz de Limbourg, et oyoit par tout sonner le tabour des Hespagnolz dont les trouspes remplissoient tous les environs. De là, après plusieurs travaux, il sortit et apperceut un monastère de Prémontrë, appelé Renneberg, où il sceut qu’il y avoit cinq moines, et par ce que ses chevaux n’en pouvoient plus, se résolut d’y aller. Ilz firent au commencement difficulté d’ouvrir ; mais s’estant dit escholier venant de Couloigne, et leur ayant parlé latin et tenu plusieurs propos vraysemblables, ilz ouvrirent, luy donnèrent à disner, et luy firent repaistre les chevaux. Il les entretenoit de divers propos et entrèrent en telle privante qu’ilz luy offrirent leurs chevaux et beaucoup d’honnestetés ; mais il leur demanda seulement une lettre de recommandation à la prochaine frontière, qui fut cause qu’ils escrivirent au maire de Muderscheid, cestuy cy à celui de St Vit, et ainsy conséquemment, tellement que de maire en maire et de place en place, il traversa le Luxembourg sans pêne et vint à sauveté à Givonne, près Sedan et de là à Jametz, et fut en mars 1574 qu’il feit ce dit voyage.

Arrivé qu’il fut à Jametz, il entendit la sortie de monseigneur le Prince[1] de Condé de la court, qui se retiroit en Allemaigne, lequel il alla rencontrer de nuit entre Sedan et Mouzon, et l’accompagna deux

  1. Le Prince de Condé avait réussi à s’échapper de la cour où le roi de Navarre était encore retenu.