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fois que ma mère et noz autres amys ne sceussent pas que je feusse partie de son sceu, d’autant qu’il craingnoit qu’ilz n’en feussent offensés contre luy. L’adieu qu’il me fit fut qu’il s’assuroit qu’estant poussée de zèle et d’affection de servir à Dieu, il béniroit et mon voyage et ma personne ; comme, par la grâce de Dieu, il m’est ainsy avenu. J’arrivay à Sedan le jour de la Toussaint, premier de novembre, sans avoir receu aucun empeschement ny destourbier ; et à mon arrivée au dit Sedan, je trouvay beaucoup d’amys qui m’offrirent leurs moyens. Je ne feus pas une heure à Sedan que je ne feusse habillée en damoyselle, chacun m’aydant de ce qu’il avoit, et je receus beaucoup d’honneur et d’amityé de monsieur le duc[1] et madame la duchesse de Bouillon, et feus au dit lieu de Sedan jusqu’à notre mariage de monsieur du Plessis et de moy, comme il sera dit cy après.

Je reviens maintenant à monsieur du Plessis qui, après le massacre, passa en Angleterre, où il fut bien receu et embrassé de toutes personnes de qualité et doctrine, et y fit des amys qui, depuis lors, luy ont servi beaucoup en diverses négociations. Les premières consolations luy vinrent de la sincère amityé de deux amys qui se souvinrent de luy au besoing. L’ung fut Monsr Hubert Languet, bourguignon duquel a esté devant parlé, qui lors de la St Barthélémy estoit à Paris, négotiant avec le roy Charles de la part du duc Auguste, Electeur de Saxe, et autres princes de l’empire protestans. Iceluy, soubs la confiance de son ambassade pendant la fureur du mas-

  1. Henri Robert, duc de Bouillon.