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bien de ma fille, et y estois encores lorsque le massacre[1] survint.

Je faisois estat, pour me divertir d’affaires et pour ma santé, d’aller passer mon hyver chez madamoyselle de Vaucelas ma sœur, et pour ce que je devois partir le lundy après St Barthélémy, je voulois aller le dimanche au Louvre prendre congé de madame la Princesse de Conti, madame de Bouillon, madame la marquise de Rothelin et madame de Dampierre. Mais comme j’estois encore au lit, une mienne servante de cuisine, qui estoit de la religion et venoit de la ville, me vint trouver fort effrayée, me disant que l’on tuoit tout. Je ne m’estonnay pas soudainement, mais ayant prins ma cotte et regardé par mes fenêtres, j’aperceu, à la grande rue St Anthoyne où j’estoy logée, tout le monde fort esmeu, plusieurs corps de garde et chacun à leur chapeau des croix blanches. Lors je vis que c’estoit à bon escient et envoyay chez ma mère, où estoient lors mes frères, scavoir que c’estoit. L’on les trouva fort empeschés à cause qu’allors mes frères faisoient profession de la religion. Messire Pierre Chevalier, Evesque de Senlis, mon oncle maternel, me manda que je misse à part ce que j’avoy de meilleur et qu’il m’envoyeroit incontinent quérir ; mais comme il y vouloit envoyer, il eut nouvelle que feu messire Charles Chevalier, seigneur d’Esprunes son frère, qui estoit fort affectionné à la religion, avoit esté tué à la rue de Bétisy où il s’estoit fait loger pour estre proche de monsr l’Amiral. Cela fut

  1. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale et l’édition de M. Auguis portent : « le massacre Saint-Barthélémy. »