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le Prince et de toutes ses trouppes ; et comme monseigneur seigneur le Prince y fut logé, voicy qu’une forte gelée vint la nuit qui leur donna moïen de partir au point du jour et passer légèrement une lieue de mauvais chemin qui se rencontroit en cest endroit ; et ne furent pas presques sy tost partis que l’ennemy arriva au dit lieu ; mais Dieu voulut qu’aussy tost il arriva ung verglas qui retint l’ennemy tout le jour au logis, et ne peut passer outre. Ainsy monseigneur le Prince évita le combat et joignit ses forces étrangères, et s’en revint devant Chartres où la paix[1] fut faitte. Durant ce voyage, j’estoy à Orléans où s’estoit retiré feu mon père pour passer les troubles, madamoyselle de la Borde ma mère, qui ne faisoit profession de la Religion, estoit à Paris et autres de ses maisons libres pour conserver les biens de feu mon père autant que le temps luy pouvoit permettre. Feu M. de Feuquères nous vint trouver à Orléans ; de là allasmes tous ensemble à la Borde où nous passâsmes tout nostre printemps. L’esté, nous prismes congé de feu mon père que je ne viz depuis ; nous allasmes aux Ardennes où nous eusmes plusieurs difficultez par les guouverneurs du pais, qui congnoissoient monsr de Feuquères affectionné à la religion et homme de service. Et tous les jours taschoient par divers moiens de le faire assassiner. Le mois d’aoust, il fut mandé de monseigneur le Prince qui estoit à Noyers, et sur son parlement pour se retirer à la Rochelle, monsr de Feuquères n’eust pas sy tost assemblé ses amys et monté à cheval pour l’aller trouver qu’il sceut que

  1. La paix de Longjumeau, 57 mars 1568.