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Noyers[1] pour se retirer à la Rochelle. Il séjourna peu à Genève à cause de la peste, et passa par la Suisse, de là en Allemagne, jusques à Francfort. Il passa l’hyver à Heydelberg, chez monsr Emanuel Tremelius, l’homme de chrestienté qui avoit connoissance de plus de langues, mais particulièrement très excellent en l’hébraïque ; et s’estudia fort aussy à la langue allemande qu’il apprint plus par artz que par uzaige pour éviter la compaignie des Allemands qu’il estoit difficile d’avoir sans quelquefois boire oultre mesure, et nonobstant y profita de telle sorte qu’au bout de six mois n’y avoit livre qu’il ne leust et entendist. Aussy commença ses études en droit et eust familiarité avec les plus doctes de l’université en toutes professions, desquelz touteffois il fréquentoit plus les devis que les leçons.

L’an 69, il se trouva à Francfort, à la foire de septembre, où il eut congnoissance[2] de monsieur Hu-

  1. La reine Catherine de Médicis avait voulu s’emparer du prince de Condé par surprise, en dépit de la paix ; il en fut averti et se retira à la Rochelle.
  2. Hubert Languet était né en 1518 à Viteaux, près Dijon, dont son père était gouverneur. Devenu protestant fort jeune, il passa en Allemagne la plus grande partie de sa vie, au service de l’électeur de Saxe ; il fut deux fois envoyé par lui en ambassade auprès de Charles IX, d’abord pour le féliciter du rétablissement de la paix dans son royaume, ensuite pour le complimenter sur son mariage et l’engager à tenir aux protestants les promesses faites pour la liberté de conscience. Il se trouvait encore à Paris au moment de la Saint-Barthélémy, et se donna tant de soin pour protéger ses amis, entre autres M. du Plessis, qu’en dépit de sa qualité d’ambassadeur, il eût couru de grands dangers sans l’amitié de Jean de Morvilliers, évêque d’Orléans, qui le cacha. Il était fort savant et a écrit de nombreux ouvrages, hardis comme pensée et comme style, surtout son livre « De la puissance légitime du Prince sur le peuple. » Il était intimement lié avec Mélanchthon. Vers la fin de sa vie il s’attacha au prince d’Orange et mourut à Anvers en 1581.