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sens, et reconnurent, revoiant les livres, que c’estoit une illusion toute pure. Nous eusmes en ceste disgrâce ceste consolation que nostre filz attaqué et pris à partie à tout heure des courtizans, tantost sur le faict de la Religion, tantost sur ceste action particulière, monstra en ses réparties un courage invincible ; il luy eschappa de dire à quelques ungz qui le pressoient : « N’auriez vous point l’esprit de voir que le Roy, pour contenter le Pape, a voulu sacrifier à ses piedz l’honneur de mon Père ? » Dont le Roy se tint fort offensé et l’est encorres, et sur ce qu’on luy dit que c’estoit un jeune homme outré de juste douleur, et pour son Père : « Il a quarante ans, dit-il, il n’est point jeune, vingt ans d’âage et autres vingt de l’instruction de son père. » Or se résolut monsieur du Plessis de se faire conduire par eau à Paris, et me manda de me rendre à Charenton, pour délibérer ensemble sur ce qu’aurions à faire, premier que d’y voir personne, ce que je fiz aussy tost, et sans nous y arrester, vinsmes descendre droict à nostre logis à Paris. Je le trouvay à la vérité fort angoissé, mais d’ailleurs fort rézolu que Dieu l’avoit faict, qu’il luy vouloit faire porter l’opprobre de son Christ, et en tireroit enfin sa gloire. En quoy Dieu me fit aussy la grâce que je senty sa vertu en mon infirmité [et un redoublement de courage, que je sentoy mon mal non pour y succomber, mais pour cercher tous moiens de le vaincre ; ce qu’il ne pouvoit se lasser de dire luy avoir esté en singulière consolation.

Nostre résolution fut qu’il se debvoit retirer à Saumur, et de là au plus tost envoier un escript qui