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Martin, homme passionné s’il en fut onq, et qui en l’acte mesme ne pouvoit cacher sa rage ; et quant à ceux de la religion le Roy avoit du commencement nommé monsr le Président de Calignon, chancelier de Navarre, mais on redouta sa rondeur. Estant demeuré à Paris sur quelque accèz de fiebvre, il envoya prier M. le chancelier de l’excuser s’il ne l’avoit sy tost suivy, que le lundy, il espéroit estre à Fontainebleau près de luy ; M. le chancelier luy manda qu’il avoit bien seu son indisposition, qu’il ne bougeast de Paris, où M. de Rhosny s’en retourneroit le lundy ou mardy suyvant qui luy bailleroit en main des affaires qui concernoient le service du Roy ; mais la vérité est que M. Rhosny n’y vint pas, et le jeudy suivant fut tenue ceste prétendue conférence. Et fut pris, au lieu de monsr de Calignon, M. Canaye, président à Castres, tout fraiz arrivé, la religion duquel estoit de longtemps incertaine, et M. de Casaubon[1], personnage à la vérité rare ès lettres humaines, mais nullement théologien, et non de qualité pour porter ny la splendeur de la court, ny la parole d’un Roy qui aussy tost l’esbloüyrent et l’estonnèrent. Encor leur déclara S. M. à tous qu’Elle ne les appeloit point pour juger, s’en estant réservé le jugement à soy mesme, mais seulement pour interprêtes là où il y auroit différend pour la langue ; et néantmoins, toutes choses ainsy préparées, fut remarquée en S. M. la veille une telle anxiété qu’il ne pouvoit mettre son esprit en repos ;

  1. Isaac de Casaubon, célèbre savant protestant, né a Genève en 1559, et mort à Londres en 1614.