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toit d’humeur de ne demeurer pas longtemps en un tel estat, que la mort du Roy d’Hespagne[1] ne pouvoit tarder, qui leur donneroit le temps de respirer, et ouvriroit la porte à nouveaux affaires, que le marquisat de Saluces[2] estoit un levain de nouveaux différens, que le transport des Pays faict à l’archiduc affaibliroit les coups de leur ennemy sans doute, seulement qu’ilz fissent un effort qui peut durer jusques à l’hyver sans perte, et cependant qu’ilz fortifiassent leurs frontières, et surtout consolidassent les cœurs et volontez de leurs peuples.

Quant à M. de Mercœur, en avint ce que M. du Plessis avoit asseuré au Roy par plusieurs lettres qui se trouvent en ses mémoires, et qui ne furent pas la moindre cause de le faire résoudre à ce voyage ; scavoir, qu’il ne sceut se rendre, ny se défendre, tous les principaux des siens se jettans à corps perdu entre les bras du Roy, dès qu’ilz le virent partir de Paris et tourner la teste vers eux. Mesme ayant avec précipitation envoyé Made de Mercœur[3], sa femme, au devant du Roy pour accepter telles conditions qu’il luy plairoit, sans ozer disputer ny le gouvernement, ny aucune place en la province, bien heureux de pouvoir accorder pour toute ressource sa fille unique à M. de Vendosme[4], filz naturel du Roy, avec

  1. Philippe II était alors mourant ; il expira le 3 septembre 1598
  2. Le marquisat de Saluces avait été remis à l’arbitrage du Pape par le traité de Vervins. Les Pays-Bas et la Franche Comté venaient d’être cédés à l’archiduc Albert d’Autriche (récemment encore le cardinal Albert), à l’occasion de son mariage avec Claire Eugénie, fille de Philippe II.
  3. Marie de Luxembourg, fille et héritière du duc de Penthièvre.
  4. César de Vendosme, fils naturel, mais légitimé de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées que le roi avait fait duchesse de Beaufort.