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qui luy fit changer tout soudain de chemin fort à son regret, mais non sans la conduicte évidente de Dieu, et le faict fut tel.

Monsieur de Belesbat, chancelier de Navarre, avoit pris la commission de fortifier Quillebeuf, à condition de le mettre ès mains de M. de Bellegarde, grand escuyer de France, toutes les fois qu’il se présenteroit, auquel S. M. en avoit donné le Gouvernement. Le bourg assis sur Seine, entre Rouen et le Havre, en lieu sy commode que tous les vaisseaux montans ou descendans sont obligés par la nature, non-seulement à l’approcher d’une harquebuzade, mais mesmes d’y establir une marée, et d’y prendre conduite de ceux du lieu qui seulzs reconnoissent les changemens qui aviennent à toute heure dans le canal de la rivière, et pour ce ilz ont de long temps de notables priviléges. Or avoit-il jà bien avancé la fortification et luy faschoit d’en sortir, outre ce que de long temps il estoit convoiteux d’un gouvernement. Tellement que le grand escuyer se présentant, il luy en refusa l’entrée, luy envoya des paroles atroces, chassa deux capitaines de la Religion et leurs compaignies que le Roy y avoit mises, parceque lesditz capitaines estoient allez saluer le dit seigneur grand escuyer, et sy establit soubs l’appuy de deux régimens de Lansquenetz, comandés par les sieurs de Rebours et de Temple, des habitans de la Religion et des vaisseaux de guerre que les Estatz des Pays bas avoient envoyés au secours du Roy pour tenir la rivière fermée à ceux de Rouen ; chose à luy aysée parceque tous estimoient que le Roy luy eust dit quelque mot à l’oreille (et de faict, il allégoit partout son intention).