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voir ses anciens amys. Mais en la négotiation des contrariétés non-pareilles, confessans tous les Seigneurs qu’il demandoit choses raisonnables, nécessaires, non refusables, et reconnoissans, à faute d’icelles, une ruine sur les affaires du Roy et dommage sur les leurs ; et ne pouvoient par aucunes raisons vaincre l’opinion de la Royne qui ne vouloit envoyer nouvelles forces en France, craingnant que ce ne fust ung subject au conte d’Essex[1] qui commandoit les Anglois en France, d’y demeurer, lequel au contraire elle vouloit faire revenir à quelque prix que ce fust, par persuasions, par menaces, par desfaveurs, comme la personne du monde qu’elle aymoit le mieux, et duquel elle redoutoit le plus le danger. Cause seule vrayement tantost du refus, et tantost du délay de ce secours, encor qu’elle en alléguoit d’autres, qu’elle appelloit mespriz de ses conseils et de ses forces parce qu’on n’avoit assiégé Rouen plustot. Le remède en somme fust que monsieur du Plessis, connoissant le mal, respondoit aux prétendues raisons et cherchoit cependant le vray remède qui fut de persuader au Roy de donner ce contentement à la Royne que le conte d’Essex revint en Angleterre. Quoy faict, secours nouveau fut embarqué, mais qui eust davantage servy, s’il fust arrivé un peu plus tost. Toutes les répliques et dupliques de ceste négotiation se trouvent encor en ses papiers, et dura ce voyage six sepmaines dont les trois se passèrent à attendre le vent à Douvres.

  1. Robert Devereux, comte d’Essex, né en 1567, et dont la reine Élizabeth était alors éprise.