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mais mesmes pour la joye qui se lisoit au visage de tous les spectateurs, jugeans tous naturellement que d’icelle dépendoit le salut de la France. Particulièrement ilz avoient l’œil jeté sur le Roy de Navarre duquel la magnanimité estoit éprouvée ; et sortant de ceste entrevue, il escrivit de sa main à monsieur du Plessis ce qui s’y estoit passé et le contentement qu’il en avoit receu, lequel respondit par une lettre qui commence par ces motz : « Sire, vous avés faict ce que vous deviés faire et ce que nul ne vous devoit conseiller. » Peu de jours après, le Roy de Navarre estant avec ses trouppes vers Chinon, M. de Maine donna au fauxbourg St Siphorian de Tours et le ravagea fort, et se passa là une grand escarmouche, non sans estonnement de la ville qui réclamoit fort le Roy de Navarre, encor que le Roy fust présent. La faute de munitions se trouva telle que le Roy envoya toute la nuict à Saumur un courier à monsieur du Plessis qui luy envoya en diligence deux milliers de poudre. Le Roy l’avertissoit qu’il prist garde aux fauxbourgz de la Croix verte, où monsr du Plessis fit loger quattre compaignies de gens de pied en le barriquant légèrement, et quelques jours après en commencea la fortification de terre, avec une extrême diligence, telle qu’elle est aujourd’huy.

Environ ce temps, j’arrivay près de M. du Plessis à Saumur avec nostre famille, et faut que je confesse que souvent j’avoy désiré, puis qu’il faloit pour une sy bonne cause estre chassé de sa maison, que nous eussions quelque lieu arresté pour retirer nostre famille. Et avoit esté parlé des gouvernemens de Castres et puis d’Albret après la mort du conte de Gurson