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le Roy de Navarre avec son armée vint jusqu’à trois lieues de Tours, et abbreuvoient, par un naturel ressentiment de leur mutuel besoin, les forces du Roy et du Roy de Navarre en mesme ruisseau, sans se rien demander, premier qu’on eust entré en aucun traicté. Entre Ste Maure et Chastellerault arriva monsr de Buhy, frère aisné de monsr du Plessis, soubs ombre de voir son frère, par permission du Roy ; dont averty M. du Plessis dit au Roy de Navarre, sans touteffois qu’il en sceust que par jugement : « Sire, loués Dieu, vos affaires sont faictes ; mon frère ne vient pas pour me voir, il vient pour traicter avec vous de la part du Roy. » Le Roy de Navarre voioit que ce traicté procédoit d’article en article avec quelque longueur, et monstra à M. du Plessis désirer qu’il vist le Roy pour l’abbréger, ce qui n’estoit pas sans difficultés veu les choses passées. Nonobstant, se confiant qu’il alloit pour le bien commun de la France et salut du Roy et du Royaume, sans passeport, il entre en un soir à Tours, en avertit le Roy (qui craignoit infiniment qu’il ne fut descouvert pour ne scandalizer le nonce,) et est mandé de S. M. sur les dix heures du soir. Il reconnut au Roy une facilité toute autre que celle dont il l’avoit autres fois veu négotier avec ceux de la Religion, et en prit bon augure. Dont s’ensuivit qu’à peu de jours de là, la tresve[1] fut conclue entre les deux Roys, et les articles en furent publiez, le quinziesme avril 89. Moiennant icelle, fut mise la ville de Saumur entre les mains du Roy de Navarre, et du consentement des deux Roys monsr du Plessis

  1. Le 3 avril 1589.