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apporta la mort du dit duc de Guise. Sa lettre est en somme : qu’il a à louer Dieu, non tant d’estre deffaict d’un tel ennemy, que de l’estre sans en avoir souillé sa main, ny son âme ; qu’il ne faut que pour cela, il pense avoir la paix, parce que sans doute l’horreur de ce coup animera le peuple, et armera le duc de Maine ; que le Roy de quattre mois n’osera se servir de luy pour ne se monstrer moins catholique, et que mesmes, il luy est à souhaiter que le duc de Maine ait du courage, afin que le Roy ait plus de matière et de nécessité de l’appeller à son service ; ce que lisant le Roy de Navarre, sur ceste fraische joye prononcea ces motz : « C’est escrire trop de sens froid sur une telle nouvelle. » Aussy, sur ce qu’on parloit à la Rochelle d’en faire feu de joye, n’en fut d’advis, et le rompit, disant qu’il y avoit de quoy adorer les jugemens de Dieu, mais non de quoy s’en esjouir, comme d’une victime humaine. Et regrettoit souvent que le feu Roy, contrainct de prévenir la conjuration par ceste violence, n’avoit esté mieux servy en justifiant par un procès bien solennel, comme il pouvoit, à toute la chrestienté, la nécessité et justice d’un tel acte.

Le duc de Maine donq continua à presser le Roy, et plusieurs villes se rendirent et furent amenées les choses à tout désespoir de négotiation entre eux. Le Roy de Navarre estoit allé à la Rochelle, et pour s’exempter d’affaires avoit laissé exprès M. du Plessis avec le conseil à Nyort où je l’estoy aller trouver. Ce mesme jour, il le mande en diligence, tellement qu’il marcha toute la nuit, et arriva à son lever. Il le mène seul en une galerie, luy disant quil n’avoit