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de luy ; mesmes luy a fait cest honneur de dire plusieurs fois qu’il avoit délibéré ses principales entreprises avec luy seul, et s’en estoit bien trouvé. Il trouva le dit Seigneur Roy bien avant en la guerre contre le duc de Joyeuse lequel, depuis son retour en court de Rouergue et Albigeois, avoit esté envoye avec une armée en Poictou, et mesmes avoit gagné de notables avantages sur le Roy de Navarre par la prise de St Maixant, Maillezay et autres places. L’orgueil de ce Seigneur croissoit jusques là que, par lettres de luy et à luy interceptées et déchiffrées par M. du Plessis mesme, il ne prétendoit pas moins que de se faire chef de la Ligue. Comme il fut prest à s’en aller en court, on préveut que, dès qu’il seroit paity, son armée se romproit, au moins se dissiperoit fort, sur quoy S. M. se résolut de se mettre à sa queue, qui luy réussit sy bien (contre l’advis presque de tous, qui, n’osans blasmer le maistre, s’en prenoient au serviteur), qu’il deffit plusieurs trouppes de ceste armée, alla prendre au delà de Chinon la Cornette de M. de Joyeuse, blocqua son armée, conduitte par le sr de Laverdin, dedans la Haye en Touraine, vint dresser un passage sur Loire à Monsoreau, pour recueillir monseigneur le conte de Soissons[1] et les forces de Normandie et de Beausse, et tout cela avec deux centz chevaux et trois centz harquebuziers au plus. Et est à noter que ceux qui acquirent de l’honneur en ceste cavalcade estoient ceux qui la condamnoient auparavant. Ce premier

  1. Charles de Bourbon, comte de Soissons, frère du Prince de Condé, mais d’un second lit, et catholique, né en 1556 et mort en 1612.