qui approchoit de la rendition des villes de seureté, l’esprit de monseigneur d’Alençon désireux de nouveauté, et telles autres causes luy faisoyent croire que la France ne pouvoit demeurer longtemps en paix. Tellement qu’avec ce qu’il désiroit qu’autant que la misère du siècle le porteroit, nous passissions notre vie ensemble, il se résolut de me faire venir en Gascoigne, et disposasmes noz affaires au mieux que nous peusmes, pour le suivre au plus tost que je pourroy. Il voulut aussy que je menasse nomméement mon filz afin qu’il ne perdist son temps, et qu’il fut hors de la prise des ennemis, lequel je n’euz pas peu de pene d’arracher des mains de madamoyselle de Buhy, sa grand mère. Je n’avoy jamais appréhendé de le suivre en Angleterre, en Flandres et partout ailleurs ; mais la Gascogne me faisoit horreur, et eusses presque volontiers tiré arrière parce que une vision que j’avoy eu, il y avoit plus de dix ans, et plus de deux devant que fussions mariez, me revenoit tousjours au songe[1], que le Royaume seroit divisé, et que pour me sauver de cest esclandre, je me retireroy en Gascoigne, chose à quoy je n’avoy jamais eu subject de penser. Je partis donq avec nostre petit train, et en chemin sceusmes la mort de feu monseigneur le duc d’Alençon[2] ; et estant à Ste Foy, monsieur du Plessis m’y vint recueillir et me mena à Montauban où il choisit ma résidence plus ordinaire ; joinct qu’en ce mesme temps s’y devoit tenir une assemblée générale des Eglizes de France avec le consentement du
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