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parences se monstroient de temps très dangereux. Les susditz revinrent une seconde fois, et n’ayant peu obtenir que la guerre se fist au Roy, se départirent avec ces motz : « Vous ne scavez pas bien ce que vous faictes, car noz marchans sont tout pretz, « voulant dire qu’au défaut du Roy de Navarre leur traicté estoit tout asseuré avec ceux de Guise. »

Particulièrement luy[1] fut offert trente mil escus par le Roy d’Hespagne s’il vouloit entreprendre la réconciliation de ses subjetz des Pays-bas avec luy, et seureté d’aller recevoir et entendre ses intentions de sa propre bouche en Espagne ; mesmes ilz ne s’esloignoient pas d’accorder quelque chose pour la Religion, tant ilz avoient envie de tirer monseigneur d’Alençon[2] de là ; mais il ne se voulut ingérer à cela pour plusieurs raisons, et Monseigneur à cest instant mesmes se laissa emporter à ce mauvais conseil de se rendre maistre d’Anvers par force, qui ruina ses affaires là et sa réputation partout. Je luy ay souvent ouy dire, lorsqu’on parloit de la trahison d’Anvers, qu’il n’eut jamais joye plus profonde que quand il en sceust l’yssue vengeresse d’une telle perfidie, et monseigneur le Prince d’Orange avouoit ordinairement qu’il luy avoit souvent prédit cela, et l’avoit trouvé véritable en toutes choses, sauf touteffois en la bonne opinion qu’il luy avoit laissée du conte de

  1. L’édition de M. Auguis, au contraire des deux manuscrits, porte « Leur fut offert, » ce qui change complètement le sens de la phrase, puisque les trente mille écus furent offerts à M. du Plessis.
  2. Le duc d’Alençon, duc d’Anjou, duc de Brabant, repoussé devant Anvers, fut obligé de quitter les Pays-Bas, et mourut en France en 1584.