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bla le soupeçon de monseigneur, et la jalousie des siens contre luy, lorsqu’il fut receu aux Pays bas, quelque contenance qu’il fist du contraire, joinct ce qui fut dit et mandé au Prince d’Orange par la royne d’Angleterre et ses plus spéciaux serviteurs, que, selon que monseigneur le Duc se serviroit de monsr du Plessis, on jugeroit bien ou mal de ses intentions, qui fut cause qu’en apparence et devant le peuple, il luy faisoit très bon visage, mais luy céloit néantmoins ses conceptions. Il avoit esté convenu que monseigneur auroit deux conseillers François et admis au conseil d’Estat du pays, au choix des Estatz. Parce qu’il se doutoit que monsr du Plessis en seroit infailliblement l’un, il ayma mieux du tout n’en avoir point. Les quattre[1] membres de Flandres avoient besoing de personne qui y commandast ; ilz requirent que M. du Plessis leur fust donné ; il répond qu’il ne se pouvoit passer de luy. Le peuple pensoit de là qu’il y fist et peust toutes choses, et cependant, il s’y en faisoit de mauvaises et en prévoioit de pires. Cela fust cause qu’il s’en descouvrist à aucuns de ses amys ; et pour n’estre instrument de tromperie au peuple, et à soy occasion de blasme, se résolut de s’en aller ; mais monseigneur, craingnant que cela préjudiciast à ses affaires, luy embrassa une occasion non moins frauduleuse qu’honorable. Car estant proposé au conseil d’Estat d’envoier vers l’Empereur et l’Empire à la Diette d’Augsbourg une ambassade solennelle pour y disputer les droitz et jus-

  1. Les quatre provinces de la province de Flandres, Ypres, Bruges, Gand et le Franc.