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seigneur le Duc venant à abandonner nostre parti, comme on debvoit prévoir, nous serions frustrés de toute la seurté que nous prétendrions par son appanage. Mais messieurs de Beauvais et d’Arcines, aussy bien que beaucoup d’autres, ne pouvoient pas penser que monseigneur le Duc peust jamais quitter nostre party, dont ilz furent trompés[1] comme ilz le connurent tost après. Et puis tesmoigner que jamais monsr du Plessis n’en peut concevoir ny attendre autre chose. Ayant eu un passeport, je feus trouver M. du Plessis chés mon frère où je l’avois lessé, dont nous partismes incontinent pour passer à Paris, où l’on avoit adjousté grosse garde aux portes depuis que j’en estois partie. Touteffois, ayant montré son passeport, nous entrasmes et séjournasmes deux jours en la ville, puis allasmes au Plessis et de là à Levainville chez madlle de Vaucelas, ma sœur, d’où, troys jours après, monsr du Plessis partit pour parachever son voyage et me laissa avec ma sœur à Levainville. Il alla coucher à la Briche, maison de M. de Cherville ; puis prit son chemin par le Gastinois, par Montargis et trouva monseigneur le Duc non loing de St Fargeau ; et est à noter que passant par les villes, il feignoit aller négotier la paix de la part du Roy, entroit partout et y estoit bien receu, les exhortoit à composer avec l’armée des Reistres, plus tost que de s’exposer à l’extrémité, que le Roy l’aimoit mieux ainsy, attendu qu’il n’avoit armée suffisante pour les garantir pour le présent, etc. Et par

  1. Quand le duc d’Alençon, devenu duc d’Anjou, signa la paix du Gastinais, il passa au parti de la cour (avril 1576).