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LES JOURNÉES

Deux-ans s’écoulerent de cette ſorte. Ma mere, accablée d’âge & de maladie, mourut en me recommandant Fatime, qu’elle m’aſſura être tres néceſſaire au reſte de ma vie. Je n’eus pas de peine à ſuivre cet ordre, Fatime me témoignant un zele, qui malgré moi m’attachoit à elle.

Quelque tems après la mort de Roſemonde, on me propoſa un mariage avantageux, l’ambition étoit alors ma ſeule paſſion, & je regardois un engagement comme un obſtacle à ma fortune ; ainſi je le refuſai.

Mais un jour que j’en parlois à Fatime, je fus aſſez ſurpris de ce qu’elle me dit en répandant quelques larmes. Ah Seigneur ! votre ſort n’eſt pas aſſez bien décidé, pour que vous preniez les ſoins & d’Époux & de Pére : & s’il eſt quelque Femme qui puiſſe mériter cet honneur, qui peut mieux y prétendre que la tendre Fatime ? Elle eſt maîtreſſe de votre deſtinée, ainſi il ſeroit juſte quelle la fût de votre cœur.

Un pareil diſcours me ſaiſit d’étonnement ; je vis clairement, que l’amour avoit eu beaucoup de part aux ſoins de Fatime. Je connois, dis-je, votre zele pour moi, j’en ai une vive reconnoiſſance : mais, Fatime, vous devez vous dire à vous-même, que nous ne ſommes pas faits l’un pour l’autre ; & que l’attachement que vous me témoignez, ne vous donne nul droit d’être maîtreſſe de ma deſtinée :