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LES JOURNÉES

Le cri qu’elle jetta en fit jetter mille à mes femmes, qui la soutinrent pour l’empêcher de tomber. Leur frayeur ne les empêcha pas de remarquer que celle qui avoit fait ce coup, étoit une Négresse qui fuyoit d’un vitesse incroyable ; mais comme Julie perdoit tout son sang, & qu’elle s’étoit évanouie, les unes s’empresserent à la faire revenir, & les autres coururent au Château pour demander du secours.

Tous ces mouvemens se donnerent avec des cris si perçans, qu’ils firent revenir le Cavalier sur ses pas ; qui voyant Julie mourante, & la Négresse qui fuyoit, n’hésita point à la poursuivre. Il l’atteignit, l’arrêta, & lui trouvant encore le poignard sanglant, & le portrait entre les mains, il ne douta plus de son crime. Alors la saisissant d’un bras vigoureux, & la trainant au galop de son cheval, il la ramena près de Julie, où nous étions tous accourus. Elle étoit revenue de sa foiblesse, & sa playe accommodée du mieux qu’on avoit pu.

Le Cavalier mit pied à terre sans lâcher sa prise, & s’approchant de Julie : voilà, Madame, lui dit-il, la barbare qui vient de commettre ce crime affreux : elle est à moi, & je vous la livre, non seulement pour lui faire souffrir les plus cruels supplices, mais pour vous découvrir ce qui l’a portée à le commettre. La malheureuse cherchoit à s’échapper, mais nos gens l’ayant entourée,