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AMUSANTES.

paroles avec une grace charmante, mes femmes ſourirent, & lui donnerent le tems de regarder Julie : mais comme il vit que ſa contemplation pouvoit le mener loin, par le plaiſir qu’il paroiſſoit y prendre, il s’arracha de ce lieu en ſoupirant ; & après avoir demandé qui elle étoit, les avoir ſaluées & remerciées, il remonta à cheval, & s’éloigna aſſez lentement.

Mes femmes cependant réveillerent Julie, & la prierent de reprendre le chemin du Château, dans la crainte que cette avanture qui les avoit diverties un moment, n’eût d’autres ſuites. Elles l’inſtruiſirent de ce qui s’étoit paſſé, & lui firent remarquer le Cavalier qui ſe retournoit de tems en tems pour la regarder. Elle gronda fort ſes femmes de ne l’avoir pas éveillée, & les trouva auſſi imprudentes que l’inconnu lui parut retenu. Cependant elle s’avançoit toujours ; mais ayant ſenti qu’elle marchoit ſur quelque choſe, & l’ayant fait ramaſſer, on lui remit une boëte à portrait enrichie de diamans.

La curioſité l’ayant portée à l’ouvrir, elle y vit les traits d’un homme parfaitement beau. Mes femmes qui vouloient voir ſi ce n’étoit point celui qui venoit de les quitter, étoient auſſi attentives que Julie à le regarder ; lorſqu’elle, qui n’étoit pas moins occupée à l’examiner, commençant d’y prendre intérêt, ſe ſentit frappée par derrière d’un coup de poignard au-deſſus de l’épaule, & en même tems arracher le portrait.