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LES JOURNÉES

dre d’engagement ; la deſtinée d’Orſame l’intéreſſant autant que nous ; & l’idée qu’elle s’en étoit formée par le portrait d’Arſeſne que j’avois, lui donnant une ſenſibilité pour lui, dont la ſeule raiſon reprimoit la violence.

Il y a quinze-jours que Philimene ſortit de ſa retraite, pour venir paſſer quelque tems à ma Terre. Elle y eſt encore ; & ſans une légére indiſpoſition, elle ſe ſeroit fait un plaiſir de nous accompagner ici. Il y en a près de huit, que Julie, ſe promenant avec nos femmes dans un bois qui eſt à quelque diſtance de ma maiſon, ſe trouvant fatiguée de la chaleur du jour, s’aſſit au pied d’un arbre, & s’y endormit. Ses femmes ſe tinrent un peu loin d’elle, à portée de voir & d’entendre ce qui pourroit lui arriver.

Il n’y avoit pas longtems que Julie étoit endormie, lorſqu’il paſſa, dans le même bois, un homme à cheval, dont le chemin s’adreſſoit du côté où elle repoſoit ; il ne put ſe diſpenſer de la voir. Il la vit en effet, & la trouvant telle qu’elle eſt, il s’arrêta, deſcendit de cheval, & faiſoit quelques pas pour s’en approcher, lorſque ſes femmes s’avancèrent à lui, & le prierent de ne pas troubler le repos de leur Maîtreſſe. Le Cavalier leur répondit que ce n’étoit pas ſon intention, mais qu’il avoit voulu contempler de plus près ce qu’il n’avoit admiré que de loin. Comme il étoit fait d’un air à n’inſpirer lui-même que de l’admiration, & qu’il prononça ces