Page:Madame de Gomez Les journées amusantes Tome 1 1754.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
AMUSANTES.

malgré une longue priſon & pluſieurs examens, ne purent nous éclaircir de rien ; ce qui obligea de les élargir.

Nous étions encore dans tous ces mouvemens, lorſqu’une ſœur du pere d’Orſame, que je ne connoiſſois point (Arſeſne n’ayant pas une grande liaiſon avec elle) m’intenta un procès pour me faire rendre les biens d’Orſame & de ſa mere, dont mon frere m’avoit laiſſé la régie par ſon teſtament. Cette femme qui s’appelloit Armire, prétendoit que la mort d’Orſame étoit aſſez prouvée par la longueur du tems qu’il y avoit de ſa perte, & que ſon bien devoit revenir à un fils unique qu’elle avoit.

La diſcuſſion fut longue & vive. Je produiſis le teſtament d’Arſeſne, qui rendoit mon frere tuteur d’Orſame, & celui de Dorante, qui me faiſoit dépoſitaire de ſon bien, avec défenſes expreſſes de m’en déſaiſir que lorſque ſa mort m’auroit été prononcée dans les formes ; mais comme je n’en pouvois donner de ſa vie, ni Armire de ſa mort, les Juges ordonnerent qu’ils reſteroient encore dix-ans entre mes mains ; & que ſi dans le cours de ce tems Orſame ne paroiſſoit point, je les remettrois â Arimon fils d’Armire.

Ce jugement ne lui plut pas, & ſa fureur fût ſi violente, qu’elle en tomba malade à la mort. Son fils, qui ſe promenoit avec Julie, mit tous ſes ſoins pour la rappeller à la vie ; mais il fallut partir. Preſſée de ſes remords, elle pria ſon fils qu’elle connoiſſoit honnête