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LES JOURNÉES

rallentit un peu la douleur dans laquelle j’étois. plongée.

Trois années expirerent ainſi, à la fin deſquelles la mort nous enleva encore mon frere, qui en mourant nous recommanda de pourſuivre avec chaleur la découverte du fort d’Orſame. Il me fit jurer de n’y rien épargner, & de m’employer à l’unir avec Julie, ſi on pouvoit le revoir. Cette perte ne rompit point les nœuds de l’amitié entre Philimene & moi.

Julie avoit trois ans, lorſque mon frere mourut ; elle fit toute notre occupation juſqu’à l’âge de neuf, que Philimene voulut s’en priver pour rendre ſon éducation parfaite, en la mettant chez les Vierges voilées. Elle y fut trois-ans, pendant leſquels elle augmenta ſi conſidérablement en beauté & en eſprit, que cela fit réſoudre Philimene à la retirer près d’elle. Pluſieurs partis conſidérables s’offrirent pour elle ; mais toujours prévenues que nous retrouverions Orſame, qui pour lors devoit avoir quinze-ans, nous ne voulûmes entendre à aucun. Julie même nous témoignoit tant de répugnance à s’engager ſi jeune, que cela nous rendit encore plus fermes à les réfuter.

Les perquiſitions ſur Orſame continuoient toujours, ſans pouvoir parvenir à ſavoir ſa deſtinée, ni celle de ſa gouvernante, que nous ne doutions point avoir été la ſource de ſa perte ; puiſque cet enfant n’ayant que deux-ans, n’avoit pu ſe laiſſer conduire que par elle. Nous avions fait arrêter ſes parens, qui,