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AMUSANTES.

prit fort au-deſſus de ſon ſexe : elle prit beaucoup d’inclination pour moi, & j’en eus infiniment pour elle. Son mérite lui attira bientôt l’amour de ſon époux ; & la complaiſance qu’elle avoit de lui parler d’Arſeſne, & de ſouhaiter qu’on pût retrouver ſon fils pour lui ſervir de mere, l’attacha ſi fort à elle, qu’on peut dire qu’elle lui fit oublier l’un & l’autre.

Philimene devint groſſe, & ſouhaitoit ſouvent de mettre une fille au monde, pour en faire la compagne d’Orſame, s’il pouvoit revenir. Elle étoit prête d’accoucher, lorſque pour dernier coup de foudre nous reçûmes la nouvelle de la mort de Philinte, qui fût tué des premiers à l’expédition pour laquelle il étoit parti.

Je tombai malade à l’extrémité. Philimene ne me quittoit ni jour ni nuit, malgré l’état où elle étoit ; & les ſoins, ſa tendreſſe & les charmes de ſon eſprit me rappellerent à la vie ; mais je n’y revins, qu’avec une ferme réſolution de ne prendre jamais nul engagement.

Dorante prit toutes les précautions néceſſaires pour m’aſſurer la poſſeſſion des biens dont le malheureux Philinte m’avoit rendu maîtreſſe.

Philimene accoucha peu de tems après, & mit au monde une fille dont vous connoiſſez le mérire, puiſque c’eſt Julie ; & quoique je ſois ſa tante, je ne puis m’empêcher d’avouer que perſonne au monde n’eſt plus aimable, & plus digne d’être aimée qu’elle. Sa naiſſance