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LES JOURNÉES

Quelques, jours après ſon départ, je priai mon frere de permettre que je fuſſe à la Terre d’Arſeſne, paſſer le tems de l’abſence de Philinte. Il approuva mon deſſein, & me recommanda le jeune Orſame. Je me rendis dans ce beau lieu, qui me parut dénué de tous ſes charmes, Arſeſne n’y étant plus ; mais il me devint affreux par le trouble & la douleur où je trouvai cette maiſon, par la fuite ou la perte de la gouvernante d’Orſame, qui avoit diſparu avec lui depuis deux jours. L’eſpoir de les voir revenir, & la crainte du couroux de Dorante, avoient empêché ces gens de lui mander une ſi triſte nouvelle, ſe contentant de faire une exacte recherche dans le pays.

Cet accident renouvella toutes mes douleurs. Je dépêchai un courier à mon frere, qui crut voir mourir Arſeſne une ſeconde fois. Il ne perdit point de tems, & ſe ſervant de ſa faveur, & du rang qu’il tenoit, il fit donner des ordres ſévères dans toutes les Provinces contre ceux qui ne découvriroient pas où ils ſavoient que pouvoient être Orſame & Argine ſa gouvernante, & promit des récompenſes exceſſives à quiconque en donneroit des nouvelles : mais quelques perquiſitions qu’on pût faire, nous n’en apprimes rien.

Six mois après cet accident, mon frere ſe maria, par raiſon plutôt que par amour, à une fille de haute naiſſance, nommée Philimene. Elle étoit belle & jeune, & d’un eſ-