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LES JOURNÉES

m’attendriſſez trop, vivez pour l’amour de moi & pour mon fils.

À ces mors, elle fit ſigne qu’elle vouloit qu’on ſe retirât ; on emporta Dorante évanouï. Philinte le ſuivit, pour calmer les tranſports de ſa douleur.

Pour moi, je ne puis dire ce que je devins : tout ce que je ſai, c’eſt que je me trouvai dans mon appartement & ſur mon lit, auprès duquel étoit Philinte dans une triſteſſe affreuſe ; & ce fut avec une peine extrême qu’il m’avoua qu’Arſeſne venoit d’expirer, & que tout ſon corps s’étoit couvert d’un venin, que la force des remedes n’avoit pu faire ſortir.

Je ſongeai d’abord à mon frere. Philinte m’aſſura qu’il étoit entouré d’amis & de domeſtiques, qui mettoient leurs ſoins à le conſoler. Je me rendis près de lui, je le trouvai dans un état pitoyable. Nous fumes près d’un mois ſans pouvoir parvenir à calmer ſa douleur, & dans un accablement qui ne nous permit pas de ſonger à rien qu’à regreter Arſeſne, laquelle par ſon teſtament avoir rendu Dorante tuteur de ſon fils, & poſſeſſeur de ſon bien juſques à ſa majorité. Mon frere envoya à ſa Terre pour faire ſavoir ſa mort & ſes dernières volontez, & aſſurer les gens qu’il prendroit ſoin d’eux comme ſi elle eût vécu.

Philinte eût bien voulu que mon frere terminât notre mariage ; mais il n’étoit pas de