Page:Madame de Gomez Les journées amusantes Tome 1 1754.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
AMUSANTES.

on fit venir du ſecours ; mais quelques ſoins que nous priſſions, Arſeſne tourna à la mort en moins de trois heures. Elle s’en apperçut la première, voyant que tous les remedes qu’on lui faiſoit augmentoient ſon mal plutôt que de le ſoulager.

Elle fit approcher Dorante & Philinte : j’étois aſſiſe ſur ſon lit, la tenant entre mes bras. Je vois bien, dit-elle à Dorante, que le Ciel ne veut pas que je jouïſſe du bonheur que vous me prépariez : je vous aſſure, ajouta-t-elle en lui prenant la main, que je me faiſois une douce loi de contribuer au vôtre : mais puiſque cela ne ſe peut, tranſportez à mon fils la tendreſſe que vous avez pour moi, & que j’aye la conſolation de croire qu’en perdant ſa mere, il retrouvera un pere en vous. Je vous prie auſſi que ma mort ne retarde point l’union de Béliſe & de Philinte. À ces mors elle m’embraſſa, & faiſant approcher Philinte encore plus près d’elle, elle nous prit les mains, & les mettant l’une dans l’autre : ſouvenez-vous tous deux, nous dit-elle, d’une ſœur qui meurt en vous aimant tendrement. Philinte & moi fondions en larmes.

Mais Dorante étoit dans un état affreux, je crus pluſieurs fois qu’il alloit expirer. IL étoit à genoux au devant du lit d’Arſeſne, & lui tenoit les mains ſans pouvoir dire une ſeule parole. Cette aimable femme ſe ſentant prête à perdre la vie, l’embraſſa. Adieu, lui dit-elle cher époux : éloignez-vous d’ici, vous