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LES JOURNÉES

arrivée dans cet aimable lieu, en me priant de ſavoir là-deſſus les ſentimens de Philinte ; ſon amour lui ayant inſpiré une timidité qu’il lui étoit impoſſible de vaincre. Dorante m’étoit trop cher, & Arſeſne me paroiſſoit trop charmante, pour refuſer cette commiſſion. Je me chargeai de parler à Philinte, ce que je fis le même jour.

Il reçut la propoſition de ce mariage avec une joye dont je fus ſurpriſe, connoiſſant le deſintéreſſement de ſon ame. Il m’aſſura qu’il y feroit conſentir Arſeſne, que le parti lui étoit trop avantageux pour qu’elle oſât le refuſer, mais qu’il pourroit y avoir un obſtacle que Dorante ſeul pouvoit lever ; qu’il me prioit de trouver bon qu’il ne le déclarât qu’à lui ; & que s’il y trouvoit du reméde, rien ne retarderoit ſon bonheur.

Je le preſſài fort de me dire quel étoit cet obſtacle : mais ſes réponſes me parurent ſi embaraſſées, que me troublant moi-même, je lui laiſſai la liberté qu’il ſouhaitoit. Il fut trouver Dorante, avec lequel il reſta longtems. Il ne l’eut pas plutôt quitté, que mon frere vint dans mon appartement. Je vous dois tout, me dit-il en entrant, ma chere Béliſe ; mais achevez votre ouvrage, & me rendez le plus heureux des hommes, en donnant votre main à Philinte qui vous adore.

Je vous avouë, ma chere Uranie, que ces mots me déſillerent les yeux, & m’apprirent les ſentimens de mon cœur. Je démêlai en