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AMUSANTES.

quelle fût notre ſurpriſe, lorſque nous vîmes Arſeſne au milieu de ſes Femmes, qui nous attendoit ſur un ſuperbe perron, qu’il falloit paſſer pour ſe rendre à ſon appartement ! Jamais rien de plus beau ne s’offrit à la vue. La régularité de ſes traits, la fraicheur d’une brillante jeuneſſe, une taille avantageuſe & fine, l’embonpoint néceſſaire à l’éclat de la peau ; tout cela ſoutenu de mille graces qu’on ne peut décrire, c’eſt le portrait d’Arſeſne.

Soit que l’idée que nous nous en étions faite, Dorante & moi, contribuât à notre admiration, ou que ce fût véritablement l’effet des charmes de cette belle Veuve, nous fumes ſaiſis d’étonnement. Le cœur de Dorante, juſqu’alors ſans engagement, ſe trouva lié par les plus fortes chaînes.

Philinte qui ne perdoit rien de tous nos mouvemens, les vit avec une joye qui parut ſur ſon viſage. Il me donnoit la main, & m’ayant préſentée à ſa ſœur, cette charmante femme nous fit un accueil qui nous marqua qu’elle avoit autant d’eſprit que de beauté. Dorante étoit ſi charmé & ſi pénétré de tout ce qu’il voyoit, qu’il ne trouvoit point d’expreſſions aſſez fortes pour ſe faire entendre.

Je ne vous dirai rien de la magnificence dont nous fumes traitez. Il ſuffit de vous apprendre qu’une violente paſſion s’alluma dans l’ame de mon frere ; & que ne pouvant la contenir dans un ſilence qui troubloit ſon repos, il m’en parla le ſixième jour de notre