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LES JOURNÉES

ceux de l’amitié, celle qui le lioit avec mon frere autoriſant les devoirs qu’il me rendait : & comme rien au monde n’étoit plus aimable que Philinte, j’avois pour lui l’eſtime la plus tendre, ſans croire que mon cœur pût faire plus de chemin.

Dans cette ſituation d’eſprit, nous partîmes pour aller voir Arſeſne ; c’étoit le nom de la ſœur de Philinte.

Pendant le voyage, mon frere le pria de nous en faire le portrait, mais nous ne pumes tirer de lui que ces ſeuls mots : Vous la verrez, & vous en jugerez.

Le ſilence qu’il affecta là-deſſus, & la retraite volontaire que cette Veuve s’étoit impoſée, nous firent croire qu’elle étoit de ces perſonnes diſgraciées de la nature, qu’un bon eſprit conduit ; & que ſe connoiſſant, elle ſe cachoit par une juſtice tacite qu’elle ſe rendoit.

Prevenus de cette idée, nous ceſſâmes de preſſer Philinte, & nous arrivâmes chez ſa ſœur. Comme il l’avoit fait avertir qu’il venoit avec du monde, tout étoit préparé pour nous recevoir.

Quoique ce lieu ſoit digne de deſcription, je ne vous la ferai point. Je vous dirai ſeulement que c’eſt un ſéjour enchanté, & que nos yeux furent frappez de tant de beautez, que nous ſoupirions en ſecret, Dorante & moi, de ce que, ſelon les apparences, il n’étoit pas habité par une perſonne aimable. Maiſ