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AMUSANTES.

ſouper, Uranie conduiſit la Compagnie ſur une terraſſe qui donnoit ſur l’eau, & d’où l’on découvroit une vue délicieuſe : elle étoit entourée d’un nombre infini de lits de gazons, qui donnerent la commodité de s’aſſeoir à la portée les uns des autres.

Après les complimens ordinaires en ces ſortes d’occaſions, Béliſe prenant la parole : je ne vois perſonne ici, dit-elle, qui puiſſe me diſpenſer d’apprendre à Uranie des avantures où je ſuis ſûre qu’elle prendra beaucoup de part : ainſi, puiſque nous en avons le tems, je crois qu’il faut l’employer à lui apprendre ce qui m’amene ici indépendamment de l’envie de la voir.

Puiſque perſonne ne nous contraint, répondit Uranie, vous me donnerez une ſatisfaction extrême ; & je vous avoue que je vois un certain air de langueur dans les yeux de l’aimable Julie qui redouble ma curioſité, m’imaginant qu’elle a grand intérêt à ce que vous allez nous conter. Votre pénétration, ma chere Uranie, dit Julie en rougiſſant, ne ſe dément jamais ; & vous adreſſez ſi juſte, que je vous prie d’engager Béliſe à me permettre de viſiter ce beau lieu pendant ſon récit. Je vous le permets, s’écria Béliſe en riant ; & quelque chagrin que votre abſence nous puiſſe donner, je vous diſpenſe d’entendre, votre hiſtoire.

À ces mots Julie ſe leva, & prenant le plus, âgé des deux cavaliers ſous le bras, elle