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AMUSANTES.

qu’à la ſolidité de celles de l’ame : ſes fléches & ſon carquois font voir la ſureté de celui qu’il conduit : & l’on ne lui accorde le grand titre de Dieu, que pour exprimer ſa pureté. Si l’intempérance des hommes le défigure, c’eſt leur faute, & non la ſienne ; ce n’eſt point la Doctrine qui corromt le Diſciple ; c’eſt le Diſciple qui corromt la Doctrine. Ce n’eſt pas dans cette ſeule choſe qu’il ſe gliſſe des erreurs. Les Sectes des plus ſages Philoſophes n’ont-elles pas pris des formes différentes, ſelon le caractère de ceux qui les ont ſuivies ? Et n’erre-t-on pas tous les jours dans les différences du culte qu’on rend au même Dieu ?

Si les hommes ne ſuivoient qu’une même voye, ils ne s’égareroient jamais : le Ciel n’eſt point coupable de nos fautes, & l’Amour ne l’eſt point de nos déréglemens. Cette paſſion a défait des Tirans, & formé des Héros ; & de toutes les paſſions, c’eſt la ſeule qui ſoit compatible avec la ſageſſe : le cœur eſt fait pour être occupé ; qui n’aime rien, n’eſt rien ; il faut aimer, pour croire qu’on mérite d’exiſter ; mais j’entens aimer de l’amour que je viens de dépeindre, enfin de celui qui forma l’Univers ; celui dont a parlé Damon, n’étant autre choſe que le déréglement des humains, qui pouroient ſans autre ſecours que celui de la raiſon, ſe rendre maîtres de leurs paſſions, au lieu qu’ils en ſont les eſclaves & les victimes.