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LES JOURNÉES

re ce que c’eſt que crime, & ſon cœur ne peut ſe révolter contre ce qu’il ne connoit pas : elle ne s’oppoſe point aux progrès de ſa paſſion, dans la peur du déréglement : mais par un préjugé d’éducation qui donne le titre de pudeur à l’adroite politique que lui impoſe l’amour propre, en cachant la tendreſſe de ſes ſentimens à celui qui les a fait naîrre. Sont-ils unis ſelon les loix ? cet amour éclate ; elle dit qu’elle aime, & elle le dit ſans rougir, elle met même ſa gloire à l’avouer.

Ce changement ſe trouve-t il dans les vices, dans quelque tems & dans quelque occaſion qu’on s’y abandonne ? Oſe-t-on jamais avouer ? J’ai commis un crime. Non ſans-doute : & cette femme, dont la vertu eſt connue généralement, peut dire, j’ai aimé & j’aime encore celui qui eſt devenu mon époux : donc l’amour eſt vertueux en lui-même. Car enfin, ſi c’étoit un crime, il le ſeroit toujours ; & une ſimple formalité, inſtituée pour contenir les hommes, ne lui ôteroit rien de ſa diformité.

Je dirai même plus, à l’avantage de l’Amour : il ſemble que l’Hymen lui ôte de ſa pudeur, & que l’autorité de l’un découvre trop les myſtéres de l’autre. Si l’on a peint l’Amour enfant, c’eſt pour marquer ſon innocence : on, lui met un bandeau ſur les yeux, pour prouver qu’il doit moins s’attacher au fragile éclat des beautez du corps,