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AMUSANTES

Un objet les frappe, les occupe, ils l’aiment enfin ; plus de vices, tout diſparoit à l’aſpect de cet objet que la ſageſſe leur oppoſe comme une digue néceſſaire à l’impétuoſité de leur tempérament ; arrêtez, attachez par des nœuds ſacrez & indiſſolubles, ils ne regardent leur conduite paſſée qu’avec honte ; & la noble ambition de ſe rendre dignes de ce qu’ils aiment, leur donne en même tems celle de faire oublier le déréglement dans lequel ils s’étoient plongez. Voilà le véritable pouvoir de l’Amour, tout ce qui ſe meut par l’autorité des ſens n’eſt point amour, c’eſt débauche.

L’Être incréé n’a rien fait pour nous que par amour : l’amitié qui unit les hommes eſt amour ; il ne change de nom que par la différence des deux ſexes, lorſqu’il les unit l’un à l’autre : mais alors, ce ne ſont point les ſens qui conduiſent l’amour, c’eſt l’amour qui conduit les ſens.

Lorſque j’ai parlé des hommes j’ai entendu le monde en général : ainſi le ſexe foible & timide eſt compris dans mon diſcours, & peut encore mieux prouver ce que j’oſe avancer ici, par l’étude continuelle qu’on lui fait faire des loix de la vertu : qu’une jeune perſonne élevée dans l’innocence, ſe laiſſe charmer par le mérite d’un mortel que le Ciel lui aura deſtiné, on la verra combattre ſa paſſion ; mais la crainte & la timidité ſeront les ſeuls motifs de ce combat : elle igno-