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LES JOURNÉES

re : il ne fera que cimenter les principes de l’éducation ; l’honneur & la probité ſeront inſéparables de ſa paſſion il ne cherchera pour plaîre, que les voyes qu’enſeigne l’équité ; l’Amour ne lui confiera ſon flambeau, que pour faire éclater ſes grandes actions, ou la nobleſſe de ſes ſentimens : la diſſimulation, l’intérêt & l’envie lui ſeront inconnus : chez lui l’Amour fait naître les momens, & jamais les momens ne font naître l’amour : bien loin que cette paſſion détruiſe la ſociété, elle en fait l’union & l’agrément : elle adoucit le naturel le plus féroce ; elle donne des lumières à l’eſprit le moins éclairé, & trouve le moyen d’attendrir l’ame la plus barbare : ſans l’Amour, le monde eût reſté dans le neant, lui ſeul l’en a retiré, & lui ſeul le ſoutient. Comment donc un ſentiment ſi néceſſaire au mouvement de tour l’Univers, peut-il être accuſé du deſordre des mœurs ?

Damon, ſans doute, confond la débauche avec l’amour, la prémiére porte les hommes au déréglement, & l’autre les en retire. Combien de fois a-t-on vu des hommes, que le tems, les occaſions, & les compagnies entraînoient dans les plaiſirs les plus pernicieux, & qui s’abandonnant à la fougue de leur jeuneſſe, voloient d’objets en objets, ſans choix, ſans réflexion & comme enivrez, des frivoles délices d’une vie libertine, s’en retirent tout à coup par le pouvoir de l’Amour ?