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AMUSANTES

Quelle horreur, m’écriai-je alors, & quel terrible monſtre nous faites-vous de la plus belle & de la plus noble des paſſions ? Faut-il attribuer à l’Amour les déſordres de la nature ? Les hommes ſont tous nez pour être ce qu’ils ſont : on voit tous les jours que l’éducation la plus ſévére, & les exemples les plus vertueux, ne peuvent changer un cœur formé pour être corrompu : on s’apperçoit du peu de progrès de ce cœur dans les loix de la ſageſſe, dès ſa plus tendre enfance ; & lorſqu’il eſt parvenu à devenir ſon maître, il fait éclater, dans ſes actions, ce que la ſeule crainte des remontrances lui fait cacher. Voilà le commencement du vice. Que ce cœur prenne alors de l’amour, cette paſſion deviendra chez lui le monſtre que Dan on vient de nous peindre ; l’ambition, la haine, la vengeance, la jalouſie, l’avidité du bien, les voyes illicites pour l’aquérir, le fer, le poiſon, enfin les crimes les plus énormes lui paroîtront faiſables : mais c'eſt ſon premier penchant au vice qui corrompra ſon amour, & non pas ſon amour qui le portera au vice.

Au-contraire, un ſujet né avec, les diſpoſitions néceſſaires pour la vertu, qui profitera par elles de ſon éducation, & de ces exemples dont l’ame noble & bienfaiſante ne lui inſpire que de grands ſentimens ; lorſque l’Amour viendra l’aſſujettir, il ne s’offrira à ſes regards que ſous ſa véritable figu-