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LES JOURNÉES

y viendrons rarement, ſi nous attendons la fin de notre attention à tout ce que vous direz : ainſi je ſuis d’avis que nous nous impoſons pour loi, d’y venir paſſer deux heures chaque jour, & que chacun, dans un ſilence mutuel, prenne ce qui lui fera plaiſir, & que nous communiquant les ſujets qui nous auront frappez, nous en faſſions la diſſection ou la critique, pour conſacrer ce lieu aux faits hiſtoriques & galans que ces livres, ou notre mémoire, ſeront capables de nous fournir.

J’aprouve ce deſſein, dit Camille avec une aimable vivacité ; mais pour le ſilence, je n’en ſuis point : & comme je ſuis ſure d’être la prémière à le rompre, je ſuis bien aiſe d’empêcher qu’on impoſe une loi qu’il n’eſt pas en mon pouvoir de ſuivre. Lorſque je ſuis dans l’enthouſiaſme de quelque bel endroit, il faut que j’en parle ſur le champ, que je le répéte à haute voix, & que j’en faſſe ſentir les beautez avec la véhémence qu’on me reproche quelquefois, ou que je devienne ſtupide.

La compagnie rit fort de la ſaillie de Camille : & pour la ſatisfaire, auſſi bien que pour ne ſe pas priver du plaiſir de l’entendre parler, on retrancha le ſilence de deux heures, que l’on ſe promit de paſſer dans le Salon des Sciences, enſuite on regla la journée en trois parties : la matinée fut laiſſée aux Dames, pour faire ce qu’elles jugeraient à propos : la ſortie du dîner fut deſtinée au tems