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LES JOURNÉES

Thélamon, Uranie, Orophane & Félicie ne pouvoient rien voir qui leur fût égal ; auſſi le Ciel les avoit-il deſtinez à s’unir par des liens ſacrez & indiſſolubles. L’attente d’un bonheur où chacun d’eux aſpiroit avec ardeur, n’étoit point troublée par cette impatience tumultueuſe que donnent les paſſions ordinaires. Ils déſiroient, mais ſans emportement & ſans dérèglement, la pudeur & la probité réglant leurs actions. Thélamon attendoit avec un reſpect égal à ſon amour, le moment qui devoit unir ſon ſort à celui de ſa fidelle Uranie. Orophane tout plein des vertus de ſon ami, & trop vertueux lui-même pour ſuivre une autre voye, cherchoit à remplir l’eſpace qu’il y avoit encore juſqu’à ſon mariage avec Félicie, par tout ce qu’un amour pur & reſpectueux peut inſpirer à un honnête homme.

Les objets d’une pareille ardeur ne devoient pas être ſans mérite ; & c’eſt faire leur éloge, que de dire qu’ils avoient fait naître des paſſions, dont le caractère eſt ſi rare dans le ſiécle où nous ſommes.

Thélamon joignoit à un eſprit orné, ſage & délicat, une grandeur d’ame & une nobleſſe de ſentimens qui le mettoient fort au-deſſus des autres hommes.

Orophane avoit de l’eſprit & du ſavoir ; & quoiqu’il fût différent de celui de Thélamon, comme ils tendoient à la même vertu, la diverſité de leurs ſentimens ne formoit qu’un