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armes de la sagesse et de la raison. Il ajoute encore qu’il n’est qu’un seul genre de mort naturelle : c’est quand le corps quitte l’âme, et non quand l’âme quitte le corps. Il est en effet démontré que l’association des âmes avec les corps est établie sur des rapports numériques invariables. Cette société subsiste aussi longtemps que ces valeurs ne sont pas épuisées, mais elle est rompue du moment que les nombres mystérieux sont accomplis ; c’est à cet ordre de choses que nous donnons le nom de fatalité. L’âme, substance immortelle et toujours agissante, n’interrompt jamais ses fonctions ; mais le corps se dissout quand les nombres sont épuisés. L’âme conserve toujours sa puissance vivifiante ; mais le corps se refuse à l’action de l’âme lorsqu’il ne peut plus être vivifié ; et de là cette expression qui dénote la science profonde de Virgile :

Je vais subir mon sort, et j’attendrai mon tour.

La mort n’est donc vraiment naturelle que lorsqu’elle est l’effet de l’épuisement des quantités numériques assignées à l’existence du corps ; elle ne l’est pas lorsqu’on ôte à ce dernier les moyens d’épuiser ces quantités. Et la différence est grande entre ces deux modes de dissolution ; car l’âme quittée par le corps peut n’avoir rien conservé de matériel, si elle n’a pas perdu de vue la pureté de son origine ; mais lorsqu’elle est forcément expulsée de son domicile, et que ses chaînes se trouvent rompues et non détachées, cette rébellion contre la nécessité a une passion pour cause ; l’âme s’entache donc dès l’instant où elle brise ses liens. À ces raisons alléguées par Platon contre le suicide, il en joint une autre. Puisque les récompenses promises à l’âme sont réglées sur les degrés de perfection qu’elle aura acquise pendant son séjour ici-bas, nous ne devons pas, en hâtant notre fin, la priver de la faculté de les augmenter. Ce philosophe a raison ; car, dans la doctrine secrète du retour des âmes, on compare celles qui pèchent pendant leurs années d’exil à ceux qui, tombant sur un terrain uni, peuvent se relever promptement et facilement ; et celles qui emportent avec elles, en sortant de la vie, les souillures qu’elles ont contractées, à ceux qui, tombant d’un lieu élevé et escarpé dans un précipice, ne parviennent jamais à en sortir. Nous devons donc ne rien retrancher des jours qui nous sont accordés, si nous voulons que notre âme ait plus de temps à travailler à son épuration. Ainsi, direz-vous, celui qui a atteint toute la perfection possible peut se tuer, puisqu’il n’a plus de motifs pour rester sur terre ; car un état assez parfait pour nous ouvrir le ciel n’est pas susceptible d’accroissement. C’est positivement, vous répondrai-je, cet empressement de l’âme à jouir de la félicité qui tend le piège où elle se prend ; car l’espoir n’est pas moins une passion que la crainte ; d’où il suit que cet homme se trouve dans la situation dont il est fait mention ci-dessus. Voilà pourquoi Paulus réprime l’ardeur que montre son fils à le rejoindre et à vivre de la véritable vie. Il craint que cet empressement à briser ses liens et à monter au ciel ne prenne chez son fils le caractère d’une passion qui retarderait son bonheur. Il ne lui dit pas : Sans un ordre de la nature, vous ne pouvez mourir ; mais il lui dit que, sans cet ordre, il ne peut être admis au ciel. « L’entrée de ces lieux ne vous sera permise que lorsque Dieu aura fait tomber les chaînes qui vous garrottent ; » car, en sa qualité d’habitant du céleste séjour, il sait que cette demeure n’