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Tel est le sentiment et le précepte de Platon, qui décide, dans son Phédon, que l’homme ne doit pas quitter la vie de son propre gré. Il dit, il est vrai, dans ce même dialogue, que le sage doit désirer la mort, et que philosopher, c’est apprendre à mourir. Mais ces deux propositions qui semblent contradictoires ne le sont pas, par la raison que Platon distingue dans l’homme deux sortes de morts. Il n’est pas ici question de la mort de l’âme et de celle de l’animal, dont il a été question plus haut, mais de la double mort de l’être animé : l’une est du fait de la nature, l’autre est le résultat des vertus. L’homme meurt, lorsque, au départ de l’âme, le corps cesse d’obéir aux lois de la nature ; il meurt encore, lorsque l’âme, sans abandonner le corps, docile aux leçons de la sagesse, renonce aux plaisirs des sens, et résiste à l’amorce si douce et si trompeuse des passions. Cet état de l’âme est l’effet des vertus du second genre, signalées plus haut comme étant du domaine de la seule philosophie. Voilà l’espèce de mort que, selon Platon, le sage doit désirer. Quant à celle à laquelle nous sommes tous assujettis, il ne veut pas qu’on la prévienne, et nous défend même de l’appeler et d’aller au-devant d’elle. Il faut, ajoute-t-il, laisser agir la nature ; et les raisons qu’il en donne sont puisées dans les lois sociales.

Lorsque nous sommes détenus en prison par l’ordre des magistrats, nous ne devons en sortir, dit ce philosophe, que par l’ordre de ceux qui nous y ont mis ; car on n’évite pas un châtiment en s’y soustrayant, on ne fait que l’aggraver.

Qui plus est, ajoute-t-il, nous dépendons des dieux ; c’est leur providence qui nous gouverne, et leur protection qui nous conserve ; et, si l’on ne peut disposer des biens d’un maître sans son aveu, si l’on devient criminel en tuant l’esclave d’autrui, il est évident que celui qui sort de la vie sans attendre l’ordre de celui de qui il la tient se met, non pas en liberté, mais en état d’accusation.

Ces dogmes de l’école de Platon prennent plus d’étendue sous la plume de Plotin. Quand l’homme n’existe plus, dit ce dernier, son âme devrait être affranchie de toutes les passions du corps : mais il n’en est pas ainsi lorsque la séparation s’est faite violemment ; car celui qui attente à ses jours est conduit à cet excès, soit par la haine, soit par la crainte, soit par esprit de révolte contre les lois de la nécessité. Or ce sont là des passions ; et l’âme eût-elle été précédemment pure de toutes souillures, elle en contracte de nouvelles par sa sortie forcée du corps. La mort, continue Plotin, doit opérer la rupture des liens qui attachent l’âme au corps, et n’être pas elle-même un lien ; et cependant, lorsque la mort est violente, ce lien acquiert une nouvelle force, car alors les âmes errent autour des corps, ou de leurs tombes, ou des lieux témoins du suicide ; tandis que celles qui ont rompu leurs chaînes par une mort philosophique sont admises au sein des astres, du vivant même de leur enveloppe : ainsi, la seule mort digne d’éloges est celle que nous nous donnons en employant, non le fer et le poison, mais les