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Paulus vivait encore, et tant d’autres qui à nos yeux ne sont plus. »

Dans les cas les plus imprévus, dans les fictions même, la vertu a son cachet. Voyez de quel éclat la fait briller Scipion dans son rêve ! Une seule circonstance lui donne occasion de développer toutes les vertus politiques. Il se montre fort en ce que le calme de son âme n’est pas altéré par la prédiction de sa mort. S’il craint les embûches de ses proches, cette crainte est moins l’effet d’un retour sur lui-même que de son horreur pour le crime qu’ils commettent ; elle a sa source dans la piété et dans les sentiments affectueux de ce héros pour ses parents. Or, ces dispositions dérivent de la justice, qui veut qu’on rende, à chacun ce qui lui est dû.

Il donne une preuve non équivoque de sa prudence, en ne regardant pas ses opinions comme des certitudes, et en cherchant à vérifier ce qui ne paraîtrait pas douteux à des esprits moins circonspects. Ne montre-t-il pas sa tempérance, lorsque, modérant, réprimant et faisant taire le désir qu’il a d’en savoir davantage sur le bonheur sans fin réservé aux gens de bien, ainsi que sur le séjour céleste qu’il habite momentanément, il s’informe si son aïeul et son père vivent encore ? Se conduirait-il autrement s’il était réellement habitant de ces lieux, qu’il ne voit qu’en songe ? Cette question d’Émilien touche à l’immortalité de l’âme ; en voici le sens : Nous pensons que l’âme s’éteint avec le corps, et qu’elle ne survit pas à l’homme ; car cette expression, « qui à nos yeux ne sont plus, » implique l’idée d’un anéantissement total. Je voudrais savoir, dit-il à son aïeul, si vous, si mon père Paulus et tant d’autres sont encore existants. À cette demande d’un tendre fils relativement au sort de ses parents, et d’un sage qui veut lever le voile de la nature relativement au sort des autres, que répond son aïeul ? « Dites plutôt, Ceux-là vivent qui se sont échappés des liens du corps comme d’une prison. Ce que vous appelez la vie, c’est réellement la mort. »

Si la mort de l’âme consiste à être reléguée dans les lieux souterrains, et si elle ne vit que dans les régions supérieures, pour savoir en quoi consiste cette vie ou cette mort, il ne s’agit que de déterminer ce qu’on doit entendre par ces lieux souterrains dans lesquels l’âme meurt ; taudis qu’elle jouit, loin de ces lieux, de toute la plénitude de la vie ; et puisque le résultat de toutes les recherches faites à ce sujet par les sages de l’antiquité se trouve compris dans le peu de mots que vient de dire le premier Africain, nous allons, par amour pour la concision, donner, de leurs opinions, un extrait qui suffira pour résoudre la question que nous nous sommes proposée en commençant ce chapitre.

La philosophie n’avait pas fait encore, dans l’étude de la nature, les pas immenses qu’elle a faits depuis, lorsque ceux de ses sectateurs qui s’étaient chargés de répandre, parmi les diverses nations, le culte et les rites religieux, assuraient qu’il n’existait d’autres enfers que le corps humain, prison ténébreuse, fétide et sanguinolente, dans laquelle l’âme est retenue captive. Ils donnaient à ce corps les noms de tombeau de l’âme, de manoir de Pluton, de Tartare, et rapportaient à notre enveloppe tout ce que la fiction, prise par le vulgaire pour la vérité, avait