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Voilà les quatre ordres de vertus qui ont des effets différents à l’égard des passions, qui sont, somme on sait,

La peine, le plaisir, l’espérance, et la crainte. Les vertus politiques modifient ces passions ; les vertus épuratoires les anéantissent ; les vertus épurées en font perdre jusqu’au souvenir ; les vertus exemplaires ne permettent pas de les nommer. Si donc le propre et l’effet des vertus est de nous rendre heureux (et nous venons de prouver que la politique a les siennes)il est clair que l’art de gouverner conduit au bonheur. Cicéron a donc raison, lorsque, en parlant des chefs des sociétés, il s’exprime ainsi : « Ils jouiront dans ce lieu d’une éternité de bonheur. » Pour nous donner à entendre qu’on peut également prétendre à ce bonheur et par les vertus actives et par les vertus contemplatives, au lieu de dire dans un sens absolu que rien n’est plus agréable à l’Être suprême que les réunions d’hommes nommées cités, il dit que « de tout ce qui se fait sur la terre, rien, etc. » Il établit par là une distinction entre les contemplatifs et les hommes d’État, qui se frayent une route, au ciel par des moyens purement humains. Quoi de plus exact et de plus précis que cette définition des cités, qu’il appelle des réunions, des sociétés d’hommes, formées sous l’empire des lois ? En effet, jadis on a vu des bandes d’esclaves, des troupes de gladiateurs se réunir, s’associer, mais non sous l’empire des lois. Les collections d’hommes qui seules méritent le nom de cités sont donc celles où chaque individu est régi par des lois consenties par tous.

Chap. IX. Dans quel sens on doit entendre que les directeurs des corps politiques sont descendus du ciel, et qu’ils y retourneront.

À l’égard de ce que dit Cicéron, « Ceux qui gouvernent les cités, ceux qui les conservent, sont partis de ce lieu, c’est dans ce lieu qu’ils reviennent, » voici comme il faut l’entendre : L’âme tire son origine du ciel, c’est une opinion constante parmi les vrais philosophes ; et l’ouvrage de sa sagesse, tant qu’elle est unie au corps, est de porter ses regards vers sa source, ou vers le lieu d’où elle est partie. Aussi, dans le nombre des dits notables, enjoués ou piquants, a-t-on regardé comme sentence morale celui qui suit :

<poem class="verse">Connaissez-vous vous-même est un arrêt du ciel.

Ce conseil fut donné, dit-on, par l’oracle de Delphes à quelqu’un qui le consultait sur les moyens d’être heureux ; il fut même inscrit sur le frontispice du temple. L’homme acquiert donc, ainsi qu’on vient de le dire, la connaissance de son être, en dirigeant ses regards vers les lieux de son origine première, et non ailleurs ; c’est alors seulement que son âme, pleine du sentiment de sa noble extraction, se pénètre des vertus qui la font remonter, après l’anéantissement du corps, vers son premier séjour. Elle retourne au ciel, qu’elle n’avait jamais perdu de vue, pure de toute tache matérielle dont elle s’est dégagée dans le canal limpide des vertus ; mais lorsqu’elle s’est rendue l’esclave du corps, ce qui fait de l’homme une sorte de bête brute, elle frémit à l’idée de s’en séparer ; et quand elle y est forcée,