Page:Macrobe (Œuvres complètes), Varron (De la langue latine) Pomponius Méla (Œuvres complètes), avec la traduction en français, 1863.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

assez d'oiseaux qui saluent de la sorte. »

Le corbeau eut assez de mémoire pour ajouter aussitôt cette phrase, qu'il avait entendu dire à son maitre lorsqu'il se plaignait :

« J'ai perdu mon argent et ma peine. »

A ces mots, Auguste sourit, et fit acheter l'oiseau plus chèrement qu'il n'avait payé aucun autre.

Un pauvre Grec avait pris l'habitude de présenter à Auguste, quand il descendait de son palais, une épigramme en son honneur. Après qu'il l'eut fait plusieurs fois vainement, l'empereur, voyant qu'il s'apprêtait à le faire encore, traça rapidement de sa main, sur un feuillet, une épigramme grecque, et la lui fit remettre comme il venait au-devant de lui. Celui-ci de la louer après l'avoir lue, de témoigner son admiration de la voix et du geste; et s'étant rapproché du siège de l'empereur, il mit la main dans une misérable bourse dont il tira quelques deniers, qu'il lui présenta, en ajoutant:

Νὴ τὴν σὴν τύχην, Σεβαστέ· εἰ πλέον εἶχον, πλέον ἐδίδουν

« Cela n'est point sans doute proportionné à ta fortune, ô César; je te donnerais plus, si je possédais davantage. »

Ce trait provoqua un rire universel, et Auguste, ayant appelé son trésorier, fit compter à ce pauvre Grec cent mille petits sesterces.

CHAPITRE V. Des plaisanteries et des mœurs de Julie, fille d'Auguste.

Voulez-vous queje vous rapporte quelques uns des mots de Julie, fille d'Auguste? Mais auparavant, si je ne dois point passer pour un trop discoureur, je voudrais dire quelques mots des mœurs de cette femme, à moins qu'aucun de vous n'ait à dire autre chose de plus utile et de plus sérieux. Tout le monde l'ayant invité à poursuivre, il commença ainsi :

- Julie, parvenue à l'âge de trente-huit ans, aurait, avec plus de bon sens, considéré cette époque comme celle de son déclin vers la vieillesse; mais elle abusa de l'indulgence de la fortune, comme de celle de son père. Néanmoins son amour pour les lettres, et l'instruction qu'il lui avait été si facile d'acquérir dans sa maison, le tout joint à un caractère rempli de douceur et de bonté, faisaient encore d'elle une femme pleine de grâces, au grand étonnement de ceux qui, connaissantses vices, ne concevaient pas comment ils pouvaient s'allier avec des qualités si disparates. Plus d'une fois son père lui avait prescrit, en des termes dont l'indulgence tempérait la gravité, qu'elle eût à modérer le faste de ses ornements et l'appareil de ses cortéges. Lorsqu'il considérait la ressemblance de physionomie de ses nombreux petits-fils avec Agrippa, il rougissait de douter de la vertu de sa fille; puis il se flattait que son caractère léger et pétulant lui donnait l'apparence du vice sans qu'elle en eût réellement la culpabilité, et il osait croire qu'elle était telle que, parmi ses ancêtres, avait été Claudia; ce qui lui faisait dire à ses amis qu'il avait deux filles qui demandaient les plus grands ménagements, et dont il devait tout supporter : la république, et Julie. Julie était venue voir Auguste dans un costume dont l'indécence offensait les yeux de son père, qui néanmoins garda le silence. Le lendemain elle changea de tenue, et elle vint embrasser son père, joyeux de la voir dans un costume d'une sévérité remarquable. Celui-ci, qui la veille avait comprimé